- #arts visuels
Intercession
30.05 > 29.07.2018
jusqu'au 29.07.2018
avec la galerie du jour agnes b.
Sur une invitation de José-Manuel Gonçalvès
En collaboration avec Yasmina Reggad
Dépassant les limites du dessin, Abdelkader Benchamma réalise d’immenses dessins muraux qui modifient et perturbent notre rapport à l’espace ainsi que nos perceptions.
Tarifs
en accès libre
Intercession, encre sur murs et plafond - 2018
Entièrement et directement réalisée à l'encre sur les murs et le plafond, a fresco, l'étrange installation d'Abdelkader Benchamma perturbe nos intuitions par sa densité et son caractère indiscernable, malgré la profusion de détails auxquels accrocher son attention. Entre grotte et trou noir, paysage et vortex, cet espace paraît se situer entre les mondes. Le thème de la grotte, comme celui du labyrinthe, a marqué l'imaginaire des hommes depuis les temps immémoriaux. Pour Benchamma, elle est un archétype, une forme primaire qui nous constitue, inévitable, tel un substrat psychique. La grotte est notre refuge des origines, tant pour l'espèce que pour l'individu, le symbole de l'obscurité chez les philosophes grecs, le premier témoignage d'une expression artistique et spirituelle (Lascaux, Chauvet), ou encore le lieu du recueillement et de la méditation pour l'ermite biblique, pour le mystique, pour tous les hommes de foi. Les significations et les paraboles qu'elle engendre se chevauchent à travers les siècles et les cultures, parfois se contredisent, jamais ne s'éteignent. Abdelkader Benchamma est l'héritier de cette complexité qui ne peut s'épuiser tout à fait. Sa grotte est en même temps parenthèse hors du monde et espace de transformation. L'impression de flux, de stratification à l'œuvre, de cristallisation des couches géologiques, métaphore de nos réalités confondues, crée non pas le sentiment de malaise et d'enfermement que l'on pourrait craindre, mais une perturbation de nos sens qui se révèle bénéfique et créatrice : une tranquille hallucination, un flottement sans ivresse, un espace où d’autres compréhensions peuvent surgir. A l'image du trou noir ou des plus mystérieux phénomènes de l'univers, la grotte est partie intégrante de notre monde tout en restant à l'écart, irréductible. Elle est la branche inaccessible de notre être, toujours présente pourtant.
Salle deux :
Les fresques de Benchamma ne sont jamais comparables à un décor ou un trompe-l’œil. Leurs qualités esthétiques s'estompent au profit des signes mystérieux qui les traversent dans l'intrigue d'une mélopée. En négatif de la grotte obscure, cette salle est celle du passage et de l'apprentissage, celle des secrets qui se murmurent entre initiés et permettent de franchir les rives, de traverser le seuil qui sépare les deux mondes, ou nos différentes réalités. Sa fonction psychopompe est attestée par les traces, les résidus qui parsèment ses murs, comme les hiéroglyphes d'une langue oubliée. De nombreux signes semblent jouer de l’idée du lien, de la corde, de l’attachement, symbole ancestral chargé de significations, associé dans le monde musulman à des pratiques magiques. Si le latin « religare » a donné le mot « religion », il est encore à l'origine du verbe « relier ». Si tu n'essaies pas de franchir le pont, pauvre fou, tu seras maudit !
Numa Hambursin, 2018